lundi 25 avril 2011

UN COIN DE TABLE A ADEN, UN AN APRES



Il y a un an, le 15 avril 2010, nous révélions une photographie inconnue prise à Aden, actuel Yemen, sur laquelle apparaît Arthur Rimbaud*. C’était la neuvième photographie connue de Rimbaud, et la seule où l’on distingue son visage à l’âge adulte. Cette annonce a eu un retentissement étonnant, en France et à travers le monde. Un an après, cette image, devenue le second cliché le plus connu de Rimbaud, est toujours commentée, et même attaquée.

Dès sa publication, on a vu surgir des réactions négatives, aussi minoritaires que virulentes : des polémistes tel Yann Moix proclamant que ce ne pouvait être Rimbaud, car il n’a pas sur ce cliché « une tête de poète », des internautes nous accusant d’avoir forgé un faux et nous insultant, etc. Un certain « Raphaël Zacharie de Izarra » proclamait bientôt « je suis l’auteur de cette mystification », et plus de deux cents sites reproduisaient sur Internet les révélations de ce farfelu. Ce n’était que la première fausse information délibérément diffusée à propos de cette photographie, qui allait être suivie de bien d’autres, parfois lancées par des personnes que l’on aurait pu croire respectables (tels MM. David Ducoffre et Claude Jeancolas). 

Cette « affaire » a rapidement attiré l’attention de M. Jacques Bienvenu, professeur de mathématiques et habitué des polémiques littéraires, qui s’est mêlé depuis une vingtaine d’années d’innombrables réfutations de soi-disant faux ou découvertes de supposées vérités inédites. Il avait entre autres entrepris de réfuter la précédente photographie de Rimbaud à Aden, jusqu’au jour où il a changé d’avis et préféré se consacrer à celle de l’Hôtel de l’Univers. Nous avons décidé de réétudier systématiquement les assertions de M. Bienvenu sur l’iconographie de Rimbaud : il s’avère qu’il se réfère sans cesse à des données biaisées,  donne des sources fausses, etc.** Or c’est ce M. Bienvenu qui a alimenté par ses innombrables communications, relayées sur Internet, la « polémique » sur la photo. Ces coups de boutoir répétés, mêlant doutes, pseudo-recherche et désinformation, ont fini par créer une rumeur, parfois reprise par de grands médias. C’était sans doute l’objectif de ceux qui entendaient « chasser Rimbaud » de la photo de l’Hôtel de l’Univers – pour des motifs assez obscurs -, sachant très bien qu’ils n’avaient aucune chance de réfuter notre identification, et pour cause.

Un an après, cette photographie est devenue le plus documenté des clichés représentant Rimbaud, sur lequel une somme impressionnante d’informations ont pu être récoltées. Petit à petit, des descendants et des chercheurs ont identifié les cinq autres personnages, confirmant qu’il s’agissait de Français, qui ont côtoyé Rimbaud à ce moment (certains se sont d’ailleurs vu attribuer plusieurs identités possibles, un seul n’a fait l’objet d’aucune identification ou hypothèse nouvelles : Rimbaud lui-même…).  L’authenticité de la photographie n’est plus remise en cause par personne, tout le monde reconnaît qu’elle a bien été prise sur le perron de l’hôtel de l’Univers à l’époque de Rimbaud, et, à notre sens, la présence de Rimbaud ne fait pas l’ombre d’un doute. Il n’y a certes pas de preuve absolue, irréfutable – à supposer que cela puisse exister -, pas plus qu’il n’y a de véritable indice du contraire, mais le faisceau de probabilités est si resserré qu’il est quasiment impossible que ce ne soit pas Rimbaud.

Tout document, toute information, soumise au crible de la remise en cause systématique, de la désinformation et de la théorie du soupçon peut devenir douteux, mais ici Rimbaud s’accroche à son fauteuil : s’il est sur la photo, les pièces du puzzle s’emboîtent avec cohérence, expliquant les éléments positifs, mais aussi jusqu’à l’absence de tel ou tel personnage sur la photo. A l’inverse, si l’on suit la thèse de M. Bienvenu, la photo n’est plus qu’un champ de ruines, présentant de nombreuses zones d’ombres et invraisemblances, et ne débouchant sur aucune nouvelle découverte – ce qui est en soi un fort indice de son inanité -***. Nous faisons le pari que l’Histoire, en l’occurrence, aura une morale, en attendant que des chercheurs tirent la morale de l’histoire…

* Article de la revue Histoires littéraires, en ligne ici Nous avons raconté les circonstances de cette découverte sur le site Ricochet Sur le contexte et les autres personnages, voir notre dossier publié par La Revue des Deux mondes, en ligne ici

** Le dossier complet fera prochainement l’objet d’une publication.

*** A contrario, un seul exemple : lorsque a été lancée l’hypothèse de la présence de Georges Révoil sur la photographie, nous nous sommes penchés sur les archives de cet explorateur. Il s’est avéré qu’il était présent à Aden au moment où Rimbaud y arrivait, qu’il y avait à ce moment connu Lucereau (qui figure également sur le cliché), qu’il avait testé précisément en ce lieu et à ce moment la nouvelle technique avec laquelle a été réalisé le cliché, etc. Toutes ces informations, étayées par des preuves matérielles, étaient inconnues auparavant, mais concordaient totalement avec ce que l’on savait déjà sur la photographie. Sont alors apparus des liens multiples entre Révoil et Rimbaud (présence de la photo de la compagne présumée de Rimbaud dans les archives Révoil, etc.), et même des éléments nouveaux (que nous publierons ultérieurement) concernant l’autre photographie de Rimbaud à Aden (Scheick-Othman).

vendredi 15 avril 2011

GALLIMARD, 100 ANS D'EDITION



A l'occasion des 100 ans de la NRF-Gallimard nous publions conjointement avec les librairies Henri Vignes et Jean-Etienne Huret un catalogue exceptionnel de livres rares édités par Gallimard : 71 pages, 740 titres décrits, de 1911 à nos jours. Ce panorama fait place aussi bien à des pièces prestigieuses, parfois uniques, qu'à des curiosités ou publications peu connus (les livres pour enfants, la revue musicale, les romans "gays", la littérature populaire...).


Extrait de l'avant-propos par Antoine Gallimard :

Je salue l’initiative de ces trois libraires qui ont décidé, une fois n’est pas
coutume, d’entremêler leur fonds, pour nous offrir un point de vue exceptionnel sur
cette aventure éditoriale aux multiples facettes. Leur connaissance de la Maison est
assurée : Jacques Desse, des Libraires associés, a organisé il y a deux ans une
très émouvante exposition sur les livres pour enfants de Gallimard, accompagné d’un
catalogue qui a reçu le prix de bibliographie en 2009 ; Jean-Étienne Huret a établi
une bibliographie des cartonnages NRF qui fait référence et a publié une précieuse
monographie sur le Club du meilleur livre ; Henri Vignes est depuis plusieurs années le
bibliographe attentif des premiers temps de la NRF (1911-1919)... 

Ces libraires, dont les catalogues courants nous réservent souvent de bien belles surprises, 
sont ainsi étroitement associés aux travaux menés autour de l’histoire de la Maison, mettant à
profit leur connaissance intime des catalogues pour nourrir, voire devancer, le propos
des historiens. S’agissant du catalogue Gallimard, réunissant quelque vingt mille titres
et plus du double de volumes, le travail semble sans cesse devoir être remis sur le
métier, tant les subtilités et chausse-trappes sont nombreuses. Et ce catalogue fourmille
à son tour de formidables découvertes...

Ci-dessous, Zazie dans le métro, 1959, édition originale, exemplaire n° 2 sur Hollande, 
avec un bref autant qu'émouvant envoi de Raymond Queneau à sa femme Jeanine : 

"A Zanine / en tendre hommage / Raymond" 


A voir à la BnF, site Tolbiac, l'exposition 

Gallimard, un siècle d'édition